Documenter les crimes nazis

Capter les images

Durant toute la période de guerre, 250 opérateurs filment la guerre à l'Est, le plus souvent sous l’uniforme de l’Armée rouge.
Envoyés sur le front, les opérateurs travaillent dans des conditions précaires avec un matériel souvent déficients ; l'effort de guerre étant en grande partie placé dans l'industrie lourde, l'URSS dépend fortement de matériels et pièces provenant de l’étranger.
En juin 1941, l’industrie cinématographique soviétique n’est pas prête à filmer la guerre, et les opérateurs partent avec de lourdes caméras sur pied. Peu nombreuses au début du conflit, les caméras automatiques portatives tombent souvent en panne et ne peuvent être réparées qu’à Moscou. Les optiques font souvent défaut et les tournages bénéficiant de prise de son restent exceptionnels.
À partir de 1942, l’équipement s’améliore, notamment grâce au prêt-bail conclu avec les États-Unis. En dépit de ces conditions techniques aléatoires, les tournages sont dirigés depuis Moscou, où les images sont montées en fonction de leur utilisation immédiate ou différée.

Filmer les crimes de masse

Avec leur lente reprise des territoires, les Soviétiques voient se confirmer les témoignages parvenus à Moscou concernant les crimes de masse perpétrés par les nazis. Les unités de l’Armée rouge, les commissions spéciales d’enquête et les opérateurs de cinéma découvrent a posteriori l’ensemble des modes opératoires de la Shoah : asphyxie au gaz d’échappement en camions aménagés, exécutions par balles au bord de fosses communes ou de bûchers, chambres à gaz et fours crématoires des camps d’extermination, expériences médicales, SonderAktion 1005 opération spéciale de destruction des preuves du génocide.

Ghettos et camps de la mort

Ce que les Soviétiques nomment « camps de la mort » correspond, dans le contexte de l’époque, à une variété de pratiques nazies d’internement et de mise à mort (famine, épuisement, maladies) dans des lieux divers (en ville, à la campagne, dans la forêt, avec ou sans abri). Contrairement aux ghettos, les « camps de la mort » enferment hommes, femmes, enfants ou vieillards, civils condamnés, résistants ou militaires, sans distinction d’origine (Biélorusses, Ukrainiens, Russes…) ou de religion.

Interruption de la destruction des preuves

À partir de l’été 1944, l'avancée soviétique s’accélère. Les unités militaires ainsi que les opérateurs arrivent sur les lieux des massacres très peu de temps après le départ des nazis ; ils filment presque en flagrant délit les exactions nazies ou les traces de leur entreprise systématique de dissimulation des preuves.

Ouverture des camps en Pologne

La manière de filmer les crimes nazis évolue au fur et à mesure de l'avancée soviétique et du contexte des prises de vues. Sur le territoire polonais, des équipes polonaises groupées autour d’Aleksander Ford tournent sur les mêmes sites que les Soviétiques. Parallèlement, la découverte inopinée des camps d’extermination donne une autre perspective sur les exactions allemandes.
Conscientes de la portée de cette découverte, les autorités exploitent cette nouvelle preuve de barbarie à des fins de propagande internationale : deux films sont spécialement consacrés à Majdanek et à Auschwitz. Cette médiatisation demeure toutefois mesurée, car le cinéma s’oriente alors vers la célébration de la victoire imminente.

© RGAKFD.
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