La découverte du camp d'Auschwitz-Birkenau

Les Soviétiques connaissent l’existence d’Auschwitz depuis le printemps 1943 : à plusieurs reprises la presse en a évoqué le nom et décrit la nature, tandis que le NKVD a collecté des informations précises. À partir de juillet 1944 et la libération des autres camps, ces informations se confirment. Un rapport du NKVD d’Ukraine est transmis au sommet de l’État-Parti en août. Toutefois, ces informations ne sont pas divulguées et, surtout, ne sont pas fournies au 1er front d’Ukraine qui « libère » le camp un peu par hasard.
Les opérateurs soviétiques et polonais arrivent à Auschwitz dans les jours qui suivent l’ouverture du camp, le 27 janvier 1945. En dépit de conditions de travail difficiles au départ - les températures atteignent -25 degrés lors des premiers tournages de janvier - près de 2 500 mètres de film sont tournés au cours des 6 semaines de présence des équipes sur place. Les opérateurs manquent en permanence de pellicule, l’équipement pour l’éclairage n’arrive qu’avec certains membres de la Commission extraordinaire d’État mi-février 1945, le matériel d’enregistrement sonore réclamé n’est jamais accordé. Les problèmes techniques n'expliquent cependant pas à eux seuls la faible mobilisation des équipes cinématographiques. Filmer le camp d’Auschwitz n’est pas une priorité au moment où l’Armée rouge s’apprête à envahir l’Allemagne et entend prendre Berlin avant les Américains. De plus, la spécificité du complexe d’Auschwitz-Birkenau – à la fois camp de concentration et camp d’extermination des populations juives – n'est sans doute pas encore totalement perçue.

La rentabilisation économique de la mort

Comme à Majdanek, les photographes et les opérateurs soviétiques, tout comme les commissions d’enquête, sont frappés par l’ampleur de l’exploitation économique faite des biens saisis sur les déportés et par le soin méticuleux apporté à cette tâche.
Auschwitz apparaît devant les caméras comme un gigantesque lieu de collecte et de tri d’effets personnels de tout ordre : depuis l’or dentaire jusqu’aux cheveux, en passant par les sous-vêtements, les blaireaux ou les paires de lunettes. Les plans de ces amoncellements d’objets sont le moyen le plus direct et efficace de signifier la disparition de leurs propriétaires.

Reconstituer

Auschwitz et Majdanek, alors même que les films montrent l’horreur qui y a pris place, les Soviétiques cherchent à donner une image de la « libération » très éloignée de la réalité. Plusieurs raisons peuvent être avancées : le manque de pellicule et d’éclairage pour filmer à Auschwitz contraint de différer les prises de vues, et amène donc à faire rejouer certaines scènes. Mais l’intention est également de donner une vision valorisante de l’Armée rouge grâce à laquelle des vies ont été sauvées, tout en prohibant un « naturalisme » déplacé.
Censés pallier les défauts des scènes initialement tournées ou leur absence, les films tournés à Auschwitz livrent une interprétation singulière des crimes de masse.

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