Mobiliser
L'ensemble des images et des films réalisés s'inscrit dans un dispositif médiatique global de propagande reposant sur d'autres supports de communication : affiches, albums de photomontages, brochures, etc. Dans ce contexte, les cinéastes de guerre s'attachent à répondre aux exigences et aux intentions des autorités politiques soviétiques. Les images tournées ont ainsi d’emblée été pensées pour les besoins de mobilisation des Soviétiques contre l’ennemi allemand.
Dans cette optique, les cinéastes russes utilisent la thématique de la douleur des civils comme trame narrative récurrente. Celle-ci forme l'un des procédés essentiels utilisés pour inscrire les images dans le registre de l'émotion, suspendre le raisonnement des spectateurs et influencer leur opinion.
Pour accentuer l'impact de leurs images, les équipes de tournage élaborent une rhétorique de l'éloquence. Ils utilisent donc, quand ils le peuvent, plusieurs caméras permettant de saisir les dévastations sous différents angles, et de mettre en avant la douleur sous tous ses aspects (blessures, larmes, colère...). À de rares occasions, lorsqu'ils disposent du matériel de prise de son, les opérateurs s’attachent à capter le son direct des humeurs de la foule ou de témoins.
Enquêter
Les Soviétiques créent la « Commission extraordinaire d’État chargée de l’instruction et de l’établissement des crimes des envahisseurs germano-fascistes et de leurs complices » (
TchéGuéKa) le 2 novembre 1942, sans attendre l’aboutissement des pourparlers pour la fondation d’une commission des Nations unies. Dotée de larges prérogatives, elle ordonne et mène les enquêtes sur les crimes commis, et a pour tâche de chiffrer les préjudices subis. Les opérateurs, qui dévoilent le caractère massif et systématique des exécutions, accumulent parallèlement les images qui seront exploitées durant les procès.
L'utilisation des images sur le plan international sert tout autant à mettre en avant l'image et la position antifasciste de l'URSS qu'à informer les Alliés.
Suite à la rupture du pacte germano-soviétique, la position de leader antifasciste devant être réaffirmée sur la scène mondiale, l'URSS met en place plusieurs longs-métrages vantant la stratégie de combat de l’Armée rouge, en insistant sur le sacrifice de la population. Montées différemment, les images tournées sont réutilisées dans différents reportages ou journaux filmés envoyés en Grande-Bretagne et aux États-Unis dans le cadre d’accords d’échanges gratuits.
Juger
Dès les premières libérations de territoires soviétiques à la fin de 1941, les autorités traquent et sanctionnent sévèrement les collaborateurs de l’occupant. Des centaines de procès à huis clos se déroulent en zone libérée tandis que les partisans en décousent avec l’ennemi en territoire occupé. Après la victoire de Stalingrad, le Kremlin adopte un décret sur les crimes de guerre (avril 1943) et organise des procès publics très médiatisés, concernant surtout des criminels de guerre allemands.
Les procès-spectacles à Krasnodar et Kharkov, en juillet et décembre 1943, ont pour objectif de forcer la main aux Alliés souhaitant attendre la fin de la guerre pour engager des poursuites judiciaires.
À la fin de l'année 1945, contrariée par certains aspects des procès de Nuremberg, l'URSS juge sur son territoire des criminels de guerre allemands et met en avant, preuves à l'appui, la responsabilité personnelle des accusés. Sur la vingtaine de procès tenus entre 1945 et 1949, six sont filmés : Smolensk, Leningrad, Kiev, Riga, Nicolaïev, Bobrouïsk. Ces films, qui mettent tous en scène la procédure judiciaire et le châtiment public qui en découle, ont un objectif précis : l'affirmation de l’État soviétique et de ses prérogatives régaliennes.